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Jean-Baptiste Goiffon : un précurseur du confinement

Jean-Baptiste Goiffon, un médecin des Lumières face à la peste, Yves Boucaud-Maitre,  Imprimerie Fontaine, Ambérieu en Bugey, 2019
Jean-Baptiste Goiffon, un médecin des Lumières face à la peste, Yves Boucaud-Maitre, Imprimerie Fontaine, Ambérieu en Bugey, 2019

 

 

 

Naissance et formation 1658-1686

 

Jean-Baptiste Goiffon naît le 25 février 1658 à Cerdon, un village du Bugey (aujourd'hui célèbre pour son vin pétillant) dont son père Joachim est le maire. Après des études littéraires au Collège de la Trinité à Lyon, sa famille le destine au commerce ou à L’Eglise, mais lui veut absolument être médecin.

Refusant d’aller à la faculté de Valence, il s’inscrit en 1682 à la prestigieuse université de médecine de Montpellier. Il en sortira docteur en 1685 en s’étant particulièrement illustré en botanique, anatomie et traitement des plaies.

 

De retour à Cerdon, il exerce un temps dans la campagne bugiste, en attendant de pouvoir postuler dans une grande ville. Un événement va accélérer sa carrière : on vient le chercher pour soigner le fils du marquis de Rougemont qui s’est fait une vilaine plaie jugée fatale par les médecins lyonnais. Goiffon décide d’opérer et contre toute attente le malade guérit.

 

En reconnaissance il lui est proposé un poste de médecin ordinaire du Roi dans l’Armée d’Italie.

 


Médecin militaire 1687-1690 et 1705

 

Il servira trois ans dans les vallées alpines sous le commandement de Catinat puis de Tessé. Mais peut être lassé de cette vie, il reviendra à Cerdon puis partira rapidement pour Lyon.

 

En 1705 lors de la guerre de succession d’Espagne, Tessé le fait rappeler pour partir avec lui. Il aura l’occasion de soigner la jeune reine Marie-Louise de Savoie épouse de Philippe V. Le poste de premier médecin de la reine lui est même proposé, il refuse et rentre en France.


photo : Gilles Quiblier
photo : Gilles Quiblier

Lyon et l’ascension sociale 1690-1719

 

Nous le retrouvons en 1693 agrégé au collège de médecine de Lyon. Il achète une maison rue de l’Herberie dans le quartier Saint-Nizier où réside la bonne société lyonnaise. Il fréquente les personnalités les plus en vue.

 

Il se marie tardivement à l’âge de 40 ans avec Claudine Pinardy (elle a 19 ans), fille  d’un riche marchand bourgeois de Lyon, « tireur d’or » et recteur de l’Hôtel Dieu. Ils auront onze enfants dont peu lui survivront.

 

Sa réputation médicale et ses fréquentations lui permettent de faire rapidement fortune et d'être nommé 3e échevin parmi les 4 désignés pour l’exercice 1717-1718 (Benoit Renaud, Gaspard Albanel, Jean-Baptiste Goiffon et Jean Peysson)

 

Il n’a pas de fonction médicale publique pour la ville et exerce dans son cabinet privé. Mais il va devenir le médecin personnel de l’archevêque de Lyon François Paul Neufville de Villeroy qui sera son principal protecteur et il aura toujours les faveurs de l’Eglise.

 

En 1712, alors que le quartier de la Place Louis le Grand est devenu très à la mode, il achète et emménage dans une belle demeure rue Saint-Dominique, achetée pour une coquette somme à Jean Vidaud de la Tour, ce qui prouve sa fortune.

 

En 1722, il achète à Sainte Foy-lès-Lyon un domaine dit de Chateaugué pour jouir de la campagne et herboriser. C’est vraisemblablement lui qui rebaptisera ce domaine Bramafan.

 

En 1728 il fait construire une aile supplémentaire à la maison de la rue Saint-Dominique donnant sur la place Bellecour. C’est représenté à la fenêtre de ce bâtiment en réfection qu'on a  pu le voir en 2019 tenant à la main sa célèbre publication sur la peste de Marseille. 

 


Page de l’herbier de René Marmion, élève de Goiffon avec des annotations de la main du maître
Page de l’herbier de René Marmion, élève de Goiffon avec des annotations de la main du maître

 

 

Le botaniste

 

Considéré comme le premier botaniste lyonnais, il initie à la botanique le jeune Antoine de Jussieu.

 

Il rédigera 3 manuscrits : 

   - un catalogue des plantes du lyonnais et des provinces voisines (au Muséum de Paris)
   - un catalogue des plantes alpines
   - un catalogue des plantes pyrénéennes et de l’Espagne


Une partie de son herbier se trouve toujours dans les collections du jardin botanique de Lyon (Parc de la Tête d’Or)


Source : Gallica BNF
Source : Gallica BNF

 

 

Son titre de gloire :

la lutte contre la peste de Marseille 1720-1723

 

En 1720 face à la menace  de la peste de Marseille arrivant à Lyon par la vallée du Rhône, il est appelé par les autorités municipales pour animer le Bureau de santé de Lyon.

 

Il publie en 1721 Observations sur la peste qui règne à présent à Marseille et dans la Provence chez André Laurens en rue Raisin à Lyon.  Ce sont des observations faites par un médecin marseillais, mais Goiffon y adjoint une longue introduction dans laquelle il développe une théorie très audacieuse sur la cause et la transmission de la maladie.

 

Sa vision est prémonitoire car elle marque le début des théories microbiennes. Cette publication déclenche l’opposition d'un confrère lyonnais, Jean-Jérome Pestalozzi qui exerce à l’Hôtel-Dieu. La polémique s'amplifie et acquiert une dimension nationale.

 

Tirant toutes les conséquences de sa théorie, Goiffon fait prendre à Lyon des mesures très strictes de contrôle des marchandises et des personnes, censure de la presse et organisation de quarantaines. Il fait publier au moins de 2 ordonnances médicales par semaine pendant presque 2 ans.

 

Cela est loin de plaire à tous les lyonnais, mais la ville sera grandement épargnée et en 1723 le consulat accorde aux membres du bureau de santé une bourse de velours rouge contenant 100 jetons d’argent.

 



La fin de sa vie 1724-1730 :

 

Anobli par son accession à l’échevinage il est devenu Seigneur de Bramafan et s’est doté d’armoiries proches de celle de l’Eglise de Lyon (un lion et un griffon affrontés).

 

En 1727 il est congédié par l’archevêque de Lyon qui n'apprécie pas un traitement prescrit par Goiffon et change de médecin pour choisir Pestalozzi.

 

Il finit sa vie très riche mais abandonné et marqué par ses tragédies familiales : sa femme est décédée en 1717 et il a perdu 7 de ses enfants. Il mourra brutalement le 30 septembre 1730 à Sainte-Foy-lès-Lyon. 

Sa descendance

 

Quatre de ses enfants seulement lui ont survécu, trois filles et un garçon sans descendance lui-même. La transmission de son nom ne sera donc pas assurée.

 

Son fils Georges Claude Goiffon (1713-1776) est architecte  ; on lui doit une publication sur l’art du maçon-piseur. Il sera membre de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Lyon et comme son père féru de botanique. Il travaillera avec Claude Bourgelat, réalisant des dessins pour ses publications.

 

 



Plaque commémorant l’installation de l’Académie d'équitation et du manège en 1717, avec le nom de Goiffon et son titre d'échevin (à l'angle de la rue Adélaïde Perrin et de la rue Bourgelat). Photo : Gilles Quiblier
Plaque commémorant l’installation de l’Académie d'équitation et du manège en 1717, avec le nom de Goiffon et son titre d'échevin (à l'angle de la rue Adélaïde Perrin et de la rue Bourgelat). Photo : Gilles Quiblier

Le 8 décembre 1885, Humbert Mollière fait une communication

à l’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Lyon sur Goiffon et sa théorie de la peste animée.

 

   Lien vers l'ouvrage :
Un précurseur lyonnais des théories microbiennes :
J.-B. Goiffon et la nature animée de la peste

 

 

En 2019, une adaptation théâtrale de la vie de Goiffon fut présentée à Sainte-Foy-lès-Lyon
 dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine 


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