· 

Place Sathonay : les lions de Lemot en voient de toutes les couleurs

 

Qui a une dent contre les lions de Lemot de la place Sathonay ? Depuis quelques temps, ils étaient affublés d'un barbouillage coloré qui tranchait avec la patine noire de leur fonte d'origine. Et voilà que quelques jours avant les dernières JEP, sans doute mus par une louable intention, les services techniques de la ville ont passé au karcher nos deux félins. Résultat : les deux lions sont aujourd'hui attaqués par une rouille opiniâtre.

Pourtant, ils ont l'air bien placides et ils en ont vu d'autres, depuis qu'ils ont été posés là, en 1825. De grâce, ils ne demandent qu'une chose : qu'on les laisse tranquilles, mais d'abord qu'on les soigne de la maladie qui les ronge. À trop longtemps rouiller, ils ne seront bientôt plus qu'un vague souvenir.


2017-2020

 

Les métamorphoses douloureuses des lions de Lemot

 

Un clic pour agrandir


L'histoire des lions de la Place Sathonay

 

Au début des années 1820, l'architecte en chef de la ville Louis Flachéron, aménage à l'emplacement de l'ancienne Abbaye royale de la Déserte (dont les bâtiments ont été détruits quelques années auparavant) une place de forme carrée, qui est aujourd'hui notre place Sathonay. Au nord de cette place, il imagine une composition égyptisante, avec deux fontaines disposées de part et d’autre d'un escalier monumental menant au jardin des Plantes. Chacune sera ornée d’un lion crachant de l’eau dans une vasque en marbre rouge.

Les deux lions fondus au Creusot en 1823 (date visible sur le socle de l'un d'eux), sont définitivement mis en place en 1825. Au fil des ans, la rouille attaque la fonte, mais aucune restauration n’est entreprise.  En mai 2018, leurs yeux, qui avaient été peints, sont nettoyés sans laisser trop de cicatrices. Début septembre 2020, les lions sont de nouveau l'objet de barbouilleurs/euses de rue puis d'un nettoyage énergique avec le résultat qu'on voit.


 

Des lions de Nectanebo II aux lions de Lemot

 

Lion dit de Nactenabo II (Museo Gregoriano Egizio, Le Vatican)
Lion dit de Nactenabo II (Museo Gregoriano Egizio, Le Vatican)

François-Frédéric Lemot (1771-1827).

 

François-Frédéric Lemot est né à Lyon. En 1811, il réalise quatre lions en fonte pour décorer une fontaine destinée à la place du Palais des Beaux-Arts à Paris, actuel Institut de France. Il s'inspire alors de deux statues exposées au Musée grégorien égyptien du Vatican, datant du règne de Nectanebo II (360-343 av. J.-C.). Quelques années plus tard, il reprend la même idée pour le projet de Lyon.

 

Les lions parisiens sont vendus en 1950 à la ville de Boulogne-Billancourt. D'abord installés par couple à deux emplacements distincts de la ville, ils sont rassemblés en 1995, après restauration, sur le square des frères Farman, rue de Silly, où on peut toujours les voir. Quant à ceux de Lyon, il n'ont jamais bougé de la place Sathonay. Espérons qu'ils y resteront encore longtemps.

 

François-Frédéric Lemot est aussi le sculpteur de la statue de Louis XIV, place Bellecour, à Lyon. On lui doit également, entre autres

- au Louvre, la statue de Napoléon en triomphateur et le bas-relief du fronton

- sur le Pont-Neuf à Paris, le monument à Henri IV

- dans l'hémicycle du palais Bourbon, sous la tribune de l’orateur, le bas-relief intitulé : « La Renommée embouchant sa trompette publie les grands évènements de la Révolution et l'Histoire écrit le mot République »... 

 

Texte : Denis Lang, Michel Locatelli

Photos : Denis Gaydier, Denis Lang, Monique Lefèbvre


Les lions de Lemot. Square des frères Farman, Boulogne-Billancourt (photo libre de droits)
Les lions de Lemot. Square des frères Farman, Boulogne-Billancourt (photo libre de droits)

Écrire commentaire

Commentaires: 4
  • #1

    gaydier (lundi, 28 septembre 2020 15:56)

    Bonjour,

    Bravo pour cet article aux informations exhaustives riches d'explications. Un cartel à proximité des lions permettrait d'informer le public, ce qui aurait pu dissuader les tagueurs en herbe de "polluer" le lieu, car souvent l'inculture favorise l'insouciance .
    On peut penser que mieux informer sur le travail du sculpteur LEMOT , ainsi que sur l'histoire des lions , le matériau employé, etc , le vandalisme n'aurait peut être pas eu lieu?

  • #2

    Jean-Marc Grange (vendredi, 04 décembre 2020 15:36)

    Merci pour toutes ces infos

    à propos de François-Frédéric Lemot, j’invite ceux qui ont l’occasion de passer dans la région Nantaise à s’arrêter à Clisson (25km au sud-est de Nantes, à la limite des 3 départements de Loire-Atlantique, Vendée et Maine-et-Loire)
    https://www.nantes-tourisme.com/fr/patrimoine/clisson-dans-le-vignoble
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Clisson
    et à voir le domaine de la Garenne Lemot
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Domaine_de_la_Garenne Lemot


    j’ai mi les liens pour ceux qui avec le confinement se contentent de voyages virtuels !...

    et pour ceux qui s’intéressent à l’histoire (de France, Bretagne, guerre de 100 ans, Féodalité ou plus ….)
    allez lire celle du Connétable Olivier de Clisson https://fr.wikipedia.org/wiki/Olivier_V_de_Clisson
    j’y ai trouvé des points de vue bien éclairants sur les règles (et mœurs …) féodales qui ont façonnées notre pays

  • #3

    Alain BOUQUET (jeudi, 11 février 2021 15:37)

    Bonjour Mesdames et Messieurs de l’association S.E.L.,
    Bravo, pour vos suivis et rapports pour l’embellissement de votre ville.
    Petites précisions historiques sur les lions de la place de Sathonay :
    Monsieur François-Frédéric Lemot (1771-1827) n'a pas sculpté ces deux lions, il fut simplement maître d'œuvre de la reprise/réutilisation des moules en plâtre des quatre lions de l'Institut de France, 75006 Paris, à la fonderie royale du Creusot. Ces quatre lions de « l'Institut des Beaux-Arts » à cette époque (1810) avait fait suite à un décret du 2 mai 1806 par Napoléon pour la mise en place, entre autres, de quinze nouvelles fontaines dans Paris. C'est l'architecte du Palais, M. Antoine Vaudoyer (1756-1846), qui fut en charge de la réalisation de celle du Palais des Beaux-Arts. Mais ce sont deux fontaines encadrant le grand escalier du palais qui, en définitive, furent décidées et chacune alimentée par deux lions cracheurs d’eau qui furent une copie de copie par moulage de ceux dit de Nectanébo actuellement conservés au Musée du Vatican à Rome.
    Après deux échecs avec des fondeurs parisiens M. Vaudoyer s'adressa en septembre 1809 à la Fonderie de M. Chagot au "Creuzot" qui, d'après la fourniture des moules "creux et bosses’’ par Vaudoyer, réussi ces réalisations. Ces quatre lions furent mis en place en décembre 1810, mais ce n'est qu'en février 1811 qu'ils crachèrent leurs premières eaux.
    M. François-Frédéric Lemot était membre de l'Institut de France depuis 1809, il y croisait donc régulièrement ces quatre lions ainsi qu’Antoine Vaudoyer, d’où son inspiration de les reproduire à l’identique à Lyon pour encadrer l’escalier menant à cette époque au Jardin des plantes et à sa ménagerie. Les moules en plâtre des lions du Palais des Beaux-Arts étaient devenus la propriété de la fonderie Royale du Creusot, ils y furent remis en service en 1823 pour la fonte des deux lions dits de la place Sathonay qui y furent installés en 1824.
    Ces quatre lions, dont la gueule avait été tarie depuis 1863, furent déplacés en 1950 à Boulogne-Billancourt comme motif animalier pour le parc des "Immeubles Collectifs d’État (I.C.E)" rue de l’ancienne Mairie, futur « Square des frères Farman » ainsi dénommé officiellement en avril 1966. Cela se fit sur l’initiative d’André Gutton qui, outre en charge de la construction de notre résidence tout autour du square des frères Farman, était également Architecte des bâtiments civils et palais nationaux depuis 1936 dont l’Institut de France.
    Si possible, pourriez-vous me transmettre deux photos en bonne définition de vos deux lions maintenant restaurés de la place Sathonay avec votre autorisation de les publier dans un futur livre numérique gratuit que j’espère bientôt terminer sur l’histoire des lions de l’Institut.
    Je reste à votre entière disposition pour tous renseignements complémentaires.
    Bien à vous.
    A. Bouquet (alain.bouquet1@free.fr)

  • #4

    Denis Lang (vendredi, 12 février 2021 17:26)

    Monsieur Bouquet bonjour,

    Merci pour toutes ces passionnantes précisions